
Le Design Thinking dans le secteur de la santé n’est pas un terrain totalement inconnu.
De nombreuses voix se sont élevées par le passé pour encourager une approche de l’innovation et de la communication centrée sur le consommateur. Bien que nous ayons constaté des progrès au cours des cinq dernières années (la création d’un nouveau poste de Chief Patient Officer dans un nombre croissant d’organisations en est un bon indicateur), la plupart des entreprises pharmaceutiques sont traditionnellement dirigées de manière à adopter une approche technologique (ou commerciale) de l’innovation, et non une approche axée sur l’expérience utilisateur.
Mais avec la crise sanitaire mondiale sans précédent que nous traversons, ce processus est sur le point de s’accélérer fortement, l’application des process de Design Thinking pouvant jouer un rôle essentiel dans le diagnostic et la résolution des problèmes les plus urgents. Comment les entreprises pharmaceutiques peuvent-elles appliquer le Design Thinking aujourd’hui ?
En cette année marquée par la pandémie du Covid-19, la santé personnelle n’a jamais été aussi importante dans la vie de tous, partout dans le monde. L’industrie pharmaceutique a subi une pression intense pour répondre à la crise. Les interactions physiques ayant été réduites au minimum, la charge des soins a été transférée sur l’individu plutôt que sur les professionnels de santé. Cela représente un changement de paradigme pour l’industrie pharmaceutique, qui est désormais et plus que jamais directement connectée aux consommateurs et aux patients. Le défi qui se présente aujourd’hui est celui de sa durabilité. Les marques pharmaceutiques doivent saisir cette opportunité pour rétablir complètement leur relation avec les consommateurs et sortir l’industrie de la méfiance généralisée. Et le Design Thinking est le levier le plus approprié pour les accompagner dans cette transformation.
Voici 3 raisons pour lesquelles les entreprises pharmaceutiques devraient s’intéresser au Design Thinking dans un monde post-Covid.
Rétablir la confiance par l’empathie
Alors que tout le monde fait face à l’incertitude liée au Covid-19, la confiance est devenue un impératif majeur. Dans un retournement de situation assez inattendu, le dernier baromètre Edelman met en évidence le fait que le secteur pharmaceutique a atteint un record en termes de confiance (+13 points), alors même que le début de l’année dernière avait été marqué par une très forte perte de confiance. Parallèlement, le secteur des soins de santé dans son ensemble occupe la première place en tant que secteur d’activité le plus digne de confiance, atteignant 76 %.
La pandémie a indéniablement offert aux marques pharmaceutiques l’opportunité de faire preuve d’empathie émotionnelle en répondant au besoin de confiance par des démonstrations claires de bienveillance. Les marques doivent à présent profiter de cet élan et commencer à adopter le Design Thinking et la conception centrée sur l’humain pour créer des produits, des services et des communications qui répondent de manière fiable aux besoins des utilisateurs.
Se servir du design pour trouver des idées sur la manière de mieux servir l’expérience du patient ou du consommateur ne peut commencer autrement que par l’empathie. Consacrer du temps et des ressources à la compréhension des comportements et des besoins des utilisateurs doit toujours être la priorité.
Des chercheurs du MIT ont découvert que les personnes asymptomatiques atteintes du Covid-19 peuvent être différenciées des individus sains dans leur façon de tousser, mais que ces différences ne sont pas déchiffrables par l’oreille humaine. L’équipe a travaillé sur un modèle d’intelligence artificielle qui détecte les infections asymptomatiques à partir des toux enregistrées par les téléphones portables.
Doctolib a mis en place un système de téléconsultation gratuite pour les praticiens lors du premier confinement. Alors qu’elle représentait à peine 0,1 % du total des consultations en février 2020 en France, cette pratique s’est considérablement répandue, atteignant désormais 11 % des rendez-vous selon les chiffres publiés par l’Assurance maladie.
En observant les comportements et les besoins, nous développons une compréhension plus complète et détaillée des défis émotionnels et fonctionnels à adresser. Ces informations précieuses peuvent considérablement améliorer l’expérience utilisateur.
Faire du patient un partenaire
Le Covid-19 a amplifié la tendance à l’autogestion des soins de santé, qui a connu une croissance rapide au cours des dix dernières années. À bien des égards, encouragés par la transformation numérique du secteur, les consommateurs prennent activement en charge leur santé. Ils se renseignent sur les risques pour leur santé et adoptent des comportements préventifs. Ils utilisent la technologie et les applications mobile pour mesurer et préserver leur santé (le nombre d’applications mobile de santé sur le marché, s’élevant à 325 000, a presque doublé depuis 2015), et à ce sujet, le Covid-19 a certainement accélèré l’adoption de nouveaux usages.
Les consommateurs ont également changé d’attitude à l’égard de la confidentialité des données. Une enquête récente menée par l’Institut de recherche sur la santé de PwC a révélé que 50 % des consommateurs américains seraient prêts à partager leurs données directement avec une entreprise pharmaceutique, afin de contribuer à la découverte de nouveaux traitements ou de nouvelles méthodes de prestation de soins ( (57 % au Royaume-Uni, selon MHP Health et ComRes). De plus, lorsqu’on leur demande s’ils sont prêts à participer à des recherches pharmaceutiques pour développer un traitement contre le COVID-19, 58 % des consommateurs se disent enclins à le faire.
La crise a remis au premier plan l’interconnexion de toutes les actions et la nécessité d’être solidaire. Les patients et les consommateurs sont appelés à jouer un rôle plus actif que jamais au sein du système de santé. Toujours dans l’objectif de rétablir la relation avec leurs publics, les marques pharmaceutiques doivent commencer à adopter des visions fédératrices, à nouer des partenariats, à intégrer le collectif en concevant des solutions ouvertes et à faire de cette collaboration une réalité.
Et le Design Thinking a son rôle à jouer ici aussi, car cette approche exige des praticiens qu’ils travaillent en étroite collaboration avec les utilisateurs tout au long du processus, de la compréhension de leurs besoins au test d’un prototype, en passant par l’exploitation de leurs réactions et l’itération des idées d’innovation.
Apporter rapidement des changements
Le changement rapide de paradigme étant devenu la « nouvelle norme », l’industrie pharmaceutique est sous les feux de la rampe et subit une pression croissante pour s’adapter et accélérer la mise sur le marché. Les processus qui fonctionnaient dans le passé auront du mal à faire face aux exigences imposées aux entreprises aujourd’hui. Tout ce qui peut raccourcir les cycles de développement de l’innovation et de la communication doit être considéré.
Le Design Thinking peut être utilisé pour trouver ces accélérateurs. Cette méthode optimise l’efficacité en créant des prototypes et en les testant pour évaluer leur efficacité. Il permet de rationaliser le processus et d’aligner toutes les parties prenantes à chaque étape du processus. Et son efficacité a été prouvée. Selon IBM, le Design Thinking permet une réduction de moitié de la vitesse de mise sur le marché et une augmentation de l’efficacité de 75 %.
Un tournant à prendre
La pandémie du Covid-19 a mis en lumière le rôle vital que jouent les entreprises pharmaceutiques au sein du système de santé en cas de crise. Il faut y voir un moment charnière pour regagner la confiance des consommateurs et des patients, ainsi qu’une occasion de renforcer le capital de la marque en se connectant avec eux à un niveau émotionnel, au bon moment, avec le bon produit, service ou message.
Il est à présent temps d’arrêter de compter sur les vieilles recettes, qui ont été définitivement bouleversées par la pandémie mondiale, et de commencer à se tourner vers le changement. Le Design Thinking est un bon moyen de faire un premier pas.
À propos d'Anne-Sophie Royer
Forte de 10 années passées au sein du planning stratégique de grandes agences intégrées, Anne-Sophie a une expérience confirmée en matière de stratégies de marque et de communication et a intégré SGK Brandimage en 2019. Diplômée de Sciences-po Paris, elle intègre Ogilvy en 2009 et accompagne des marques internationales dans les univers de la grande consommation (Nestlé), de la banque (Barclays) et du retail. Elle prend en 2016 la direction de la stratégie de Geometry Global où elle déploie une offre de consulting locale sur l’analyse et l’influence des parcours d’achat, en parallèle des stratégies de marque et d’activation qu’elle construit pour ses clients (Bacardi, Danone, Emirates, Piaget). En 2018, elle intègre Herezie Group comme Directrice Générale en charge des stratégies d'expérience client. Experte des méthodologies de Design Thinking, elle accompagne le client sur les processus d'innovation et de marketing de précision.